Roger C. Elobo, Mon Blog

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3 décembre 2013

Des larmes sur la serpillère


Un soir !

Elle fait le ménage.  Elle sillonne les couloirs et les bureaux. Après le travail, elle se met au travail. Des balais brousses, des seaux d'eau et produits chimiques nettoyant et désinfectant sont son quotidien de labeur. Elle bosse ainsi depuis des années, toujours en silence. Personne ne lui dit mot. Elle fait partie du décor, et semble tout aussi transparente, pour les universitaires de ces lieux…

Ce soir là aussi, elle est venue au travail et s'y est mise comme d'accoutumée. Elle travaillait comme si elle ne pouvait que faire ça ; comme si elle ne devait faire que cela. Ce soir-là pourtant, elle aurait dû s'en priver. Ce soir-là elle aurait certainement voulu être ailleurs.

Ce soir là, alors qu'à mon hauteur elle s'apprêtait, à pas lents, à me dépasser, je me suis arrêté. Bonsoir lui dis-je. D'une voix cassée et peut-être surprise qu'on lui adressât la parole, elle me dit bonsoir. Comment allez vous lui demandai-je ? C'est alors que d'un flot, elle se mit à pleurer. D'attention à compassion qu'appris-je qui me toucha à ce point. Ce matin là, elle avait appris le décès tragique de son frère vivant au Portugal. Combien de fois avait elle voulu partager cette douleur. Personne ne lui adressant la parole, elle implosait et se consumait au-dedans.  Je lui ai fait parler de son frangin. C'était un brave, un battant. Elle aimait son frère. Elle en souffrait. Je partageai sa peine. Elle en sembla soulagée…

M'éloignant d'elle, un célèbre air gospel des esclaves Noirs d'Amérique bourdonnait dans mes oreilles. Je cru entendre la voix inimitable de Louis Armstrong. Je réalisai alors que j'avais pris place dans ma voiture et que sur ma station préférée TSF Jazz coulait ce négro spiritual "sometimes I feel like a motherless child" de Louis Armstrong. Je compris alors que cette séquence m'avait bouleversé. Je pensais à cette brave dame qui s'acharnait tant à donner du lustre à notre mobilier le cœur en berne. Je pensais à ces universitaires qui le lendemain, ignoreraient qu'elle était imbibée de larmes…

La serpillère !

2 commentaires:

Dora a dit…

J adore j adore j adore !!!!

Anonyme a dit…

Je suis emue...Merci de toujours sentir ce qu'on ne te dit pas !