La bouteille de bière

Fraîche !

Nul ne sait encore qui l'avait posée là, sur ce banc là, à cet endroit là. Mais elle était là, majestueuse, provocante même, tant elle donnait envie,  et tant elle intriguait. Elle était fraîche et transpirait. Sur ces parois suintaient de gros goûtes de sa fraîcheur…

Confinée.

Personne ne savait pourquoi cette bouteille de bière était là, ni depuis quand elle était là, ni par qui elle était arrivée là, ni même comment elle avait cheminé là. Cette bouteille de bière, bouchée et fraîche de surcroit, provoquait…

Follement ! 

Quelques villageois s'en étaient approchés et s'interrogeaient. La nouvelle d'une bouteille de bière sans propriétaire et posée comme ça, là-bas, s'était rependue dans tout le village. Les villageois ne se l'entendaient pas dire deux fois avant de marcher vers la bouteille bière, orpheline. Autour d'elle, un attroupement se formait. Et, à voix haute, ça conjecturait. Si ça se trouve c'est un don Dieu, réalisant notre soif ! Peut-être un piège du préfet ! Ou alors une mesquinerie du Président ! Ou les restes d'un amant repu ! Etc. De toute part ça fusait. Mais, la bouteille de bière était là, souriante, hautaine et…

Arrogante.

La foule  grandissait. Mais nul n'osait prendre cette bouteille de bière, la décapsuler et la boire. Personne n'osait la toucher. Ça discutait autour. Ça se disputait. Ça s'invectivait. Ça s'enflammait.

Au loin !

Assis à même la terre comme à son habitude pour mieux en sentir les respirations, Motomessima, le fou du village, observait la scène et s'en amusait. D'un bon, il se leva et fendit la foule compacte et dense des villageois. Il étripa la bouteille qu'il décapsula avec ses dents et se mit à vider à la trompette.

Motomessima ! C'est toi ?

Un fou rire général s'empara de la foule alors que le fou se défoulait la gorge.