Roger C. Elobo, Mon Blog

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23 octobre 2019

Le temps perpétuel, concept majeur Africain.


Le temps est le principal patrimoine de l'homme.  La gestion du temps nous structure et organise nos sociétés. L’idée que nous en avons et l’usage que nous en faisons dépend de notre cosmogonie, notre vision du monde.

Dans certaines sociétés, c’est la préférence pour le présent qui structure la vie et donne la valeur au temps. Dans cette conception du temps, l'idée sous-jacente est que le temps est fini. La mort étant la fin de son temps, l’homme dispose d’un capital temps qu’il doit consacrer à sa propension naturelle, ses loisirs.

Dans ces sociétés, le temps fini est une ressource rare qui a donc une valeur. Chacun donne subjectivement de la valeur à son temps. Cette valeur est fonction du rapport qu’il a avec ses loisirs. Deux individus différents n’accorderont pas la même importance à leur temps dans cette société-là.

Lorsque le temps présent est préféré, l’incertitude du temps futur s’affirme comme une certitude. C’est dans cette logique que les intérêts sur un prêt ou un placement sont conçus et acceptés comme le prix payé sur le temps, que la rentabilité d’un investissement est perçue comme le prix du risque dans un univers incertain.

De même, le salaire sera conçu comme une rétribution du temps de loisir mis à la disposition d'un tiers. Ainsi donc, le travail rémunéré se conçoit comme un arbitrage entre le temps de loisirs et le salaire. Autrement dit, je n'accepte un niveau de salaire que parce qu'il vaut la peine que j'en sacrifie mon temps de loisir.

Dans cet univers à temps rare, donner de son temps aux autres n'est donc pas un don de soi mais l'acte exigeant une rétribution donc intéressé tout au moins par une quête de considération sociale.

A l’inverse, dans une cosmogonie où le temps est infini, le rapport au temps n'est plus le même. La caractéristique de la rareté disparaît et la valeur du temps aussi. Ici, le temps a une densité qui le rend hautement visqueux. Il n’est point besoin de courir après le temps. La mort n’est plus la fin du temps mais une phase du temps.

Dans un temps infini la préférence pour le présent n'est plus pertinente. Hier, aujourd'hui et demain ont la même valeur. D'ailleurs, dans plusieurs langues africaines hier et demain s’exprime par le même mot.

Dans un temps infini, le temps n’est pas rare et par conséquent la valeur du temps est nul. L’Être vit dans le temps et en tout temps. Donner du temps à l’autre n’est pas une réalité perçue puisque l’un et l’autre sont en symbiose dans le temps.

Pour tout dire, il y a d’un côté un univers à temps discontinu et fini par la mort et de l’autre dont fait partie l’Afrique, un univers à temps continu et infini par la vie !

L’Africain dispose ainsi d’un temps perpétuel qui lui procure une vie permanente !

5 commentaires:

Unknown a dit…

Le temps fragmenté, notion de l'heure donc réparation de la journée, semaine, mois,an font ils partis déjà d'un concept africain. Le douala comme les autres conjugue sa journée en messanedi(aube),idiba (matin) , ebiam (après midi) boulou (la nuit).En essayant de respecter de la journée ( bougna),la majorité des Africains te diront : midi moins, quatre heures passées. La fragmentation en seconde,minute, heure,qui constituent d'ailleurs la base calendaire de l'Occident ne font pas partie de la mesure de son temps. Aussi a-t-on coutume d'affirmer que L'Africain ne respecte jamais l'heure. Le concept du temps dans sa fragmentation calendaire actuelle ne peut traduire l'approche temporaire de notre culture. '' il est parti il y a deux saison de pluie déjà''Tel événement s'est produit quand Landry a eu ses premiers dents. Papa est mort lors de la grande sècheresse''.On peut par conséquent affirmer que les événements rythment notre dation. Nous savons que le travail commençait à l'aube et devait s'achever avant la tombée de la nuit (le crépuscule).

Unknown a dit…

Je n'arrive pas à relire mon commentaire

Anonyme a dit…

Merci Roger pour cet excellent article sur le temps!Seulement la conclusion sous forme de ‘moralité’ me dérange un tout petit peu. J’aurai souhaité que tu insiste sur la qualité de ce que tu appelles ‘vie permanente’. La responsabilité, l’efficacité, le dynamisme, la puissance d’un pays, etc., autant de qualités qui définissent la réussite d’un peuple ou d’un pays se modélisent par un temps minimum. L’échec du développement de nos pays n’est -il pas le fait de ce temps infini? Temps infini parce qu’il est mal maîtrisé, donc écarté de toute analyse, négligé...
René

Anonyme a dit…

Heureusement que tu es là pour nous rappeler que chacun a son quotient intellectuel et le tien est à mon sens hors norme.

Je reste tjs en admiration de ton niveau d.analyse, ton élévation intérieure. L.aisance avec laquelle tu traduis, transmets et nous fait vivre ton savoir. Les 2 conceptions du TPS à l.Africaine et à l.occidentale démontrent en réalité le cours des choses. Les uns ont suffisamment du tps devant eux tandis que les autres courent après leurs tps limité et essaye de se rendre au mieux utiles. Un seul mot
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Marie Lau B.

Anonyme a dit…

Roger, bonjour !
Merci beaucoup pour cette profonde réflexion philosophique et vitale sur le temps !!!
Tu n’es plus avec nous sur terre, mon cher !
Quelle élévation ?
J’en ai pris goût.
Martin Nd.