Roger C. Elobo, Mon Blog

Espace d'Analyse, de Critique, d'Humeur, ...de Vie

16 juillet 2007

Immigration, Racisme et Identité

Cette fois encore, en France, dans une campagne présidentielle, l'immigration a fait son apparition. Le Premier Ministre Lionel Jospin et son ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement s'étaient pourtant donnés, en 1997, la noble mission de sortir ce thème des polémiques politiciennes. Leur peine aura été vaine en définitive. La réalité est que l'immigration est un bon produit électoraliste pour gagner des voix d'une population inquiète et sensible à certaines thématiques. C'est ainsi que dans sa stratégie de siphonner l'extrême droite, le candidat de la droite démocratique française, Nicolas Sarkozy, en a fait un thème de campagne au point d'introduire une nouvelle association (immigration, identité nationale), remplaçant par là même, l'ancien couple (immigration, racisme) tombé de fait, en obsolescence.

Au milieu des années 1980 en France, ère de la première cohabitation politique, le gouvernement de droite, alors dirigé par Jacques Chirac, et cerné par l'extrême droite, avait installé dans le débat, le paradigme selon lequel l'immigration était la cause du racisme qui s'installait vivement en France.

Dans un article publié dans l'hebdomadaire Jeune Afrique[1], je m'étais saisi de la question pour réfuter ce lien de causalité, immigration-racisme, en montrant, à partir des faits brulants d'actualités de cette époque, vécus notamment dans les pays d'Europe de l'est, que l'hypothèse posée était en contradiction avec l'observation. En effet, alors que la population juive dans ces pays n'augmentait pas ou même diminuait du fait d'une émigration vers Israël, une vague antisémitisme violente s'abattait dans ces territoires et principalement en Pologne.

Dans cet article, j'avais montré que le racisme et l'immigration devaient être déconnectés et traités séparément. J'expliquais que le racisme repose sur la thèse pseudo-scientifique d'une origine polycentrique de l'humanité avec en plus une classification hiérarchique des races alors que l'immigration a des causes politiques et économiques. Par conséquent, faisais-je alors remarquer, le rejet, pour des raisons légitimes ou non, de l'immigration pouvait se comprendre comme le refus d'un groupe social de partager son espace vital. C'est à cela que procédaient (est-ce bien fini ?) les expulsions, il y a quelques années, des Béninois du Gabon, des Ghanéens du Nigéria, des Burkinabès de Côte d'Ivoire, etc.

Les rapports ethniques dans l'histoire sont gouvernés par des lois[2] dont "la loi des pourcentages" selon laquelle il existe un seuil numérique en-deçà duquel les populations étrangères qui s'installent sur un territoire sont plutôt objet de curiosité et au-delà duquel, elles deviennent indésirables. Les africains ont largement expérimenté cette loi dans leur migration vers l'Europe. La littérature africaine des décennies 60 et 70 foisonne de cas de cette curiosité indécente sur les bords. Le roman de Bernard B. Dadié, "Un nègre à Paris[3]" en est l'une des brillantes illustrations. Et même au milieu des années 80, lorsque jeunes étudiants nous débarquions, à Paris et encore plus dans les villes de province, des français portaient sur nous un regard curieux et nous soumettaient à un questionnement qui en disait long sur leur connaissance de notre monde et de nos modes de vie.

Ce comportement ne peut pas être qualifié de racisme. Au sien d'une "race" de population, des groupes ethniques sont indifféremment appréciés. La curiosité des indigènes ne porte pas que sur la couleur de peau. Elle s'étend sur les rites cultuels, les coutumes, les styles de vie, etc.

Si le lien immigration-racisme semble peu défendable, qu'en est-il alors de la relation immigration-identité nationale ?

Rappelons bien que c'est en France que cette question a été posée ou même se pose. Le nouveau président, Nicolas Sarkozy, vient d'ailleurs de matérialiser cette problématique en créant un ministère de l'immigration et de l'identité nationale. Les réactions en guise de protestation de quelques autorités morales du pays sont restées sans effet. Des consciences nationales comme Simone Weil ont marqué leur réserve en vain. L'immigration se vit désormais en France comme une menace sur son identité. Il s'agit bien évidemment d'une agression manifeste envers les immigrés.

Cette agression des nouvelles autorités françaises envers les immigrés n'est pas justifiée. Mais la question de savoir si l'immigration étrangère affecte l'identité nationale française est-elle fondée ?

On serait tenté de dire que si les français affirment qu'il y a menace sur elle identité, il ne revient pas à un étranger de dire le contraire. Nous, étrangers devrions donc rester à l'écart de ce débat dans ces conditions. Mais, il se trouve qu'il est posé dans un sens qui choque et nous insécurise. Ma contribution est éclairage qui se veut objectif. Je considère que dans l'esprit du nouveau président, Nicolas Sarkozy, la menace dont il est question est celle de voir disparaître l'identité française.

Si l'identité française est figée dans le temps et l'espace, alors il est indéniable qu'elle courre, au contact des apports extérieurs, un risque potentiel de disparition. Car, les brassages démographiques ne sont pas neutres. Toute civilisation qui s'ouvre à d'autres subit une mutation, c'est certain. Si l'état initial est celui qui est considéré comme définitif, certains diraient l'état achevé, alors cette civilisation meure en changeant d'état ou parce qu'elle a changé d'état.

Si par contre l'identité française est un système vivant car ouvert qui échange avec l'extérieur, qui évolue continûment, qui s'adapte et qui s'enrichit au contact, alors, la France gagne à s'ouvrir aux apports extérieurs.

Pour éviter des débats sans fin, il faut espérer que l'identité française ne soit pas figée car quelque soient les barrières et la répression, l'immigration du sud vers le nord aura lieu tant que les conditions de vie en Afrique, notamment, seront sans grande espérance. Les premiers à pâtir de cet état de fait, ce sont les pays africains qui subissent une saignée des cerveaux et de la force de travail susceptibles de contribuer à leur décollage.

La forteresse contre immigration que tente de dresser le nouveau président restera sans effet. il faut le dire sans complexe, pour le reprendre un mot à la mode. Les migrations auront toujours lieu. La pression aux portes de l'Europe ne baissera pas. Le travail à faire pour freiner ce flux migratoire n'a pas commencé. Les politiques envisagées n'auront pas les résultats escomptés. L'identité française qui n'est pas figée s'adaptera.

C'est à croire qu'il faut enseigner à certains politiques français, ce qu'est la France.


[1] Jeune Afrique, N° 1532, du 14 mai 1990, p.61.
[2] Lire Cheikh Anta Diop, "Civilisation ou barbarie", Présence Africaine, 1980, pp. 157-164
[3] Un nègre à Paris, Bernard B. Dadié, Présence Africaine.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

A coup sur tant les conditions de vie en Afrique sont inchangees, toutes politiques contre l'immigration resteront sans effet.

Anonyme a dit…

L'immigration est un choix. Rester dans son pays malgré tout afin de le servir est aussi un choix. Je suis malienne, je vis au mali et fière de l'être. je me fais respecter chez moi. Alors, vivons chez nous et faisons prospérer notre continent avec nos cerveaux. Cessons d'enrichir l'Europe.